EDITO

 

Le « pouvoir d’achat », non. Le salaire, oui !

A force de déclarations démagogiques du président le pouvoir d’achat des ménages est devenu le thème numéro 1 de l’actualité sociale et politique. On peut se réjouir de le voir se prendre à son propre piège : à répéter ses promesses aux classes populaires qu’il ne peut pas tenir, puisque sa politique est tout entière au service des classes riches, les sondages s’effritent. Il ne faut pas non plus se priver de dénoncer la perte de pouvoir d’achat subie par les salariés, les retraités et les chômeurs ces dernières années. Car c’est plutôt sinistre de voir le président s’accorder 140 % d’augmentation pendant que les pensions des retraités ne vont augmenter que de 1,1 %, soit moins que l’inflation !

Mais pourquoi parlent-ils tous de « pouvoir d’achat » ? Pour ne pas parler des salaires !

C’est presque transparent avec les propositions grossières du gouvernement. D’une part il est question de baisse d’impôts, en favorisant d’abord les plus riches avec le fameux bouclier fiscal mais de toute façon en ne proposant aucune mesure pour les plus démunis, ce qui se traduit à l’autre bout de la chaîne par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, toujours moins de moyens de fonctionnement, donc le démantèlement organisé du service public. Pour le reste tout paraît être une application du slogan symptomatique de la régression sociale ambiante, « travailler plus pour gagner plus » : faire des heures supplémentaires ou revendre ses RTT, bref du grand n’importe quoi qui demain nous conduira à reproduire la situation des travailleurs pauvres aux Etats-Unis où pour gagner de quoi survivre, il faut quasiment deux jobs à plein temps payés à mi-temps. Sans compter que si ceux qui ont un emploi travaillent plus, cela ne peut qu’aggraver le sort de ceux qui sont au chômage.

Mais évidemment il n’y a pas que cela.


Derrière l’histoire du « pouvoir d’achat », il y a tout un condensé de l’idéologie dominante !

Dans un monde totalement marchandisé nous voici réduits au statut d’acheteurs et de consommateurs pour le plus grand bonheur de la machinerie du capital. En centrant le discours sur la sphère de la distribution et de la consommation, on veut faire oublier que les richesses sont produites et transportées avant d’être consommées, et ce que cette production et ce transport impliquent comme exploitation, voire comme souffrances pour des travailleurs toujours plus sous pression et précarisés. Mais c’est aussi pour faire oublier que cette production sans fin autre que le tiroir-caisse des entreprises, cette production déchaînée de biens de consommation jetables provoque des dégâts irréversibles sur la planète.

En centrant le discours sur le « pouvoir d’achat » on veut nous persuader qu’un salaire ne sert qu’à acheter, et que là serait notre « pouvoir ». Mais le salaire peut servir à s’organiser, à cotiser pourquoi pas. Acheter n’est pas un pouvoir. Lutter au contraire, c’en est un. Avec ce discours on veut gommer la réalité des classes : nous sommes tous consommateurs, certains plus égaux que d’autres certes mais chacun aurait prétendument la chance de grimper les échelons vers plus de richesse. On veut enterrer pour de bon tout ce qui peut rappeler que dans la sphère de la production nous ne sommes pas du même bord : salariés d’un côté, grands patrons et actionnaires de l’autre. Ces dernières décennies la part des salaires rapportée à la totalité des richesses produites n’a pas cessé de décroître. Depuis quinze ans elle a ainsi chuté de plus de 8 points dans les pays de l’Union européenne. Quand la part des salaires diminue, c’est celle des profits qui augmente. Il y a non seulement deux bords, mais ces deux bords ont des intérêts irréductiblement opposés.

Il faut évidemment augmenter la part des salaires et réduire celle des profits.

Pas seulement la part du salaire individuel, mais aussi la part du salaire socialisé financé par les cotisations sociales : les pensions des retraités et les allocations des chômeurs, mais aussi la sécurité sociale. Cela exige d’aller à l’encontre de plus de 25 ans de politiques libérales. Car les attaques du gouvernement actuel comme la mise en place des franchises médicales ou l’allongement de la durée de cotisation pour faire valoir ses droits à une retraite à taux plein, ces attaques ne sont que les dernières en date d’une longue série de mesures prises par tous les gouvernements qui se sont succédés, qu’ils aient été de droite ou de gauche.

Il faut évidemment augmenter la part des salaires et pour cela, lutter avec des revendications claires. Et il faut se préparer à lutter jusqu’au bout sur ce terrain : un autre partage des richesses, oui, mais à 100% pour les salaires et les nécessités collectives de la production et 0 % pour le profit. Car la course au profit ne peut régner que sans partage et elle mène l’humanité dans un gouffre.

Ainsi, une fois éliminé le profit, on aura aboli le salariat.