Texte écrit par Gérard
LAGORCE ( Secrétaire à la « propa » de l’U.L. CGT de LONGWY). Ce
texte est paru dans les colonnes du « CHIFFON ROUGE » de décembre
2004 (Journal de l’Union Locale CGT du Bassin de LONGWY- tiré à 8 500 exemplaires)
PROCES DAEWOO-ORION :
KAMEL EST INNOCENT !
LES COUPABLES SONT AILLEURS !
La
Justice de classe est allée au bout de sa logique : pour casser l’image
de l’affrontement de classe qu’ont mené les Travailleurs, pour salir l’Intersyndicale
et plus particulièrement la CGT, il
lui fallait cibler un coupable parmi les ouvriers les plus combatifs :
elle a donc condamné Kamel BELKADI à 3 ans de prison dont 18 mois fermes !
Bien
sûr, J.B., l’autre accusé, a été relaxé : en le condamnant, le tribunal
aurait perdu toute crédibilité, puisque J. n’était accusé que d’un banal feu
de poubelle qui n’a rien à voir avec l’incendie du 23 janvier 2003.
Kamel
a été déclaré coupable alors que l’audience des 2 et 3 septembre 2004 avait
démontré l’inconsistance du dossier d’accusation : AUCUN ELEMENT MATERIEL
CONTRE LUI, « un témoin-clé » qui se contredit à plusieurs reprises
et prétend que Kamel est passé avec un fenwick par une « porte rouge »
dont tous les autres témoins attestent qu’elle était bloquée depuis plusieurs
semaines et ne permettait pas le passage d’un tel engin, etc … le Tribunal
n’a pas pris en compte les 3 témoins qui, eux, attestent que Kamel était présent
avec eux au poste de garde, c’est à dire qu’IL NE PEUT PAS MATERIELLEMENT
EN ETRE L’AUTEUR.
Dès
les premières auditions, et tout au long de l’instruction, il est apparu clairement
que les enquêteurs ne prenaient en compte qu’une seule piste : celle
de salariés qui auraient pété les plombs, chauffés à blanc par des « meneurs
syndicaux extrémistes » (ce n’est pas par hasard qu’on a mis en garde
à vue la secrétaire générale de l’UL CGT Longwy, Isabelle Banny !). Dès
le début, c’est Kamel qui était dans le collimateur. C’est lui qui était au
cœur des questions que posaient les enquêteurs, et ceux-ci ont multiplié les
pressions sur les témoins pour qu’ils aillent dans le sens de sa culpabilité.
C’était le bouc émissaire idéal : grande gueule, toujours en 1ère
ligne des actions, proche de la CGT (après les évènements, il s’est syndiqué
à notre UL)… et en plus Maghrébin et barbu !
Kamel
et son avocat ont interjeté appel à l’encontre du jugement : « nous
irons jusqu’au bout, parce que Kamel
est innocent », a déclaré Maître BEHR.
A
la CGT, nous ne laisserons pas notre camarade payer pour un incendie criminel
dont il n’est pas l’auteur. Nous mettrons toutes nos forces dans cette bataille,
parce qu’il y va de notre devoir de solidarité, et aussi de notre légitimité
syndicale !
Et
nous appelons toutes les instances de la CGT à intervenir fermement pour soutenir
notre camarade, et dénoncer publiquement les incohérences de l’accusation,
cette manœuvre pour criminaliser le mouvement ouvrier et toute action syndicale
qui ne rentre pas dans le cadre d’un consensus avec le patronat et les pouvoirs
publics.
Ni
l’enquête, ni l’instruction, ni les juges de Briey n’ont répondu à la question :
A QUI PROFITE LE CRIME ?
Et
pourtant… l’incendie du 23 janvier a été le tournant de la lutte, l’élément-clé
qui a changé radicalement le rapport de force que les travailleurs avaient
construit. Les locaux qui ont été détruits sont ceux où était entreposé le
stock des produits finis, c’est-à-dire LE TRÉSOR DE GUERRE DES SALARIES. Ceux-ci
ont été délogés de leur usine, qui était une pièce essentielle du rapport
de force : désormais, l’occupation était terminée, il n’y avait plus
de locaux pour se réunir, plus de possibilités de faire pression sur l’employeur
et les pouvoirs publics. Enfin, les dégâts occasionnés ont accéléré la procédure
de liquidation judiciaire, ce qui a permis à DAEWOO de s’en sortir sans débourser
le moindre centime pour le plan social.
Ni
l’enquête, ni l’instruction ni les juges n’ont répondu aux questions que posent
les circonstances du départ de feu :
q Pourquoi l’alarme ne s’est-elle pas
déclenchée ?
q Pourquoi les extincteurs étaient-ils
vides ?
q Pourquoi n’y avait-il pas de pression
dans les lances à incendie ?
q Pourquoi les sprinklers n’ont-ils pas
fonctionné à l’endroit où le feu s’est déclaré, alors qu’ils se sont déclenchés
aux autres endroits ?
De
tels éléments font ressortir l’évidence que l’incendie n’est pas le fait d’un
individu isolé qui aurait agi sur un coup de colère (thèse de l’accusation
contre Kamel), mais bien le fait d’une entreprise ORGANISÉE impliquant plusieurs
individus qui agissent de connivence !
Et
ce n’est pas tout :
q Pourquoi la direction a-t-elle fait
déménager toute la comptabilité le matin même du 23 janvier ?
q Pourquoi la direction a-t-elle renvoyé
chez eux les salariés qui devaient
travailler de 14 à 22 H ?
q Pourquoi les cadres qui devaient rester
présents (selon la décision du CE du matin) étaient-ils absents lors du départ
de feu ?
q Pourquoi la société de gardiennage
avait-elle réduit le système de surveillance depuis la veille ?
q Qui a donné l’ordre aux gardes de ne
plus faire de ronde à l’intérieur de l’usine ?
q QUI ETAIT LE OU LES OCCUPANTS DE LA
VOITURE QUI EST SORTIE EN TROMBE DU PARKING DAEWOO PEU APRES LE DEPART DE
FEU ?
q Pourquoi les 2 témoignages qui attestent
de ce fait n’ont-ils pas été pris en compte ?
Disons-le :
IL Y A AUTOUR DE CET INCENDIE CRIMINEL UNE FORTE ODEUR DE MAFIA !
…
Et dans cette affaire, qui a eu des pratiques mafieuses ? Les salariés
en lutte, avec l’Intersyndicale CGT-FO-CFTC à leurs côtés, qui ont sécurisé
pendant plusieurs semaines l’usine désertée par la direction et les cadres ?
les salariés en lutte, qui ont maintenu l’outil en état de produire, qui ont
remis les chaudières en route pour éviter que les canalisations éclatent sous
l’effet du gel, qui ont arrété, début janvier, une fuite de gaz qui aurait
pu causer une explosion majeure, type AZF ?
…Ou
bien la direction de Daewoo-Orion, qui a empoché 46 millions d’euros de subventions
publiques et bénéficié de 5 ans d’exonérations de taxes, pour fermer boutique
quelques années après, qui s’est permis de ne pas payer les cotisations URSSAF
pendant 18 mois, qui a fait travailler les salariés dans des conditions insalubres(
3000 points de non-conformité aux normes d’hygiène et de sécurité relevés
par l’inspection du travail lors d’une visite effectuée peu avant la grande
grève de 1999) ???
Et
ce n’est pas tout :
déjà lourdement endetté en 1995 du fait de sa politique sur-expansionniste,
DAEWOO s’est servi de l’usine de Mont-St-Martin uniquement comme POMPE A FRIC
pour la maison-mère et les autres filiales. En 1999, un rapport d’expertise
commandé par le comité d’entreprise a établi sans équivoque que LES PRODUITS
FINIS ETAIENT VENDUS A PERTE PAR DAEWOO-ORION AUX AUTRES FILIALES DU GROUPE
(notamment Dempol) ! De plus, ce rapport fait état de fortes présomptions
sur le groupe qui surfacturait les matières premières à Daewoo-Orion…
Et
ce n’est pas tout : Daewoo a pratiqué pendant un certain temps DES DETOURNEMENTS
DE FONDS.
Ainsi,
pendant l’occupation de l’usine, les salariés ont découvert des fichiers qui
laissaient apparaître que des comptes « boite aux lettres » ont
été ouverts AU NOM DE SALARIES DE L’ENTREPRISE (qui, bien entendu, ne savaient
rien) dans diverses banques d’ Anvers, Luxembourg et autres places financières.
Ces comptes servaient à faire transiter l’argent de Daewoo-Orion vers on ne
sait quels destinataires, puisque après coup on ne trouve plus trace de l’argent
versé.
Il
s’agit là de pratiques mafieuses qui rentrent pleinement dans la réalité d’ensemble
du « chaebol » Daewoo : rappelons que l’ex-PDG du groupe, Kim
Woo Chong, a détourné des sommes équivalant au tiers du budget annuel de la
Corée. Décoré de la légion d’honneur, il vit, semble-t-il, près de Nice, et
bénéficie d’un passeport français… alors qu’il est recherché par Interpol.
Rappelons encore que Daewoo possèdait une dizaine de comptes à Clearstream,
sorte de « banques des banques » implantée à Luxembourg et spécialisée
dans le blanchiement d’argent sale…
OUI,
DAEWOO, CA PUE LA MAFIA ! Nous
savons bien qu’il n’y a pas de « gentils patrons » et que, dès qu’il
est question d’argent, ces gens-là ne font pas de sentiment et sont capables
de bien des coups fourrés…mais Daewoo, c’est tout ça à la puissance 10 !
Dès
lors, d’autres questions se posent :
q Pourquoi, connaissant l’endettement
de Daewoo en 95, les pouvoirs publics et les responsables politiques, Longuet
en tête, lui ont-il déroulé le tapis rouge dans le Bassin ?
q Pourquoi ont-ils présenté les usines
de Villers et de Mont-St-Martin comme
les fleurons de la reconversion ?
q Pourquoi n’ont-ils pas demandé des
comptes à Daewoo dès 1999, quand les magouilles financières des ventes internes
au groupe ont été révélées ? alors que Fameck et Villers fermaient, alors que les menaces se faisaient
de plus en plus lourdes sur l’usine de Mont-St-Martin,
q Pourquoi ont-ils »fait le mort »
jusqu’au bout ?
Le
slogans des salariés en lutte, c’était « DAEWOO VOLEUR,ETAT COMPLICE ! »…jusqu’où
est-on allé dans cette complicité ? On peut tout supposer en termes d’arrangements,
de connivences, de compromissions, puisqu’aucun responsable politique ne s’est
jamais expliqué publiquement sur le « laisser-faire » dont
a bénéficié Daewoo…
Dans
un tel contexte, comment ne pas se poser question sur les auteurs ET LES COMMANDITAIRES
de l’incendie du 23 janvier, QUI TOMBAIT A POINT pour tous ceux qui voulaient
en finir avec la lutte des Daewoo ? Il y a eu, il y a encore une volonté
manifeste de faire porter le chapeau de l’incendie, à travers la personne
de Kamel, aux salariés combatifs et
à l’Intersyndicale. Cette manœuvre de criminalisation de la lutte a-t-elle
consisté seulement à fabriquer un « coupable idéal »… ou est-elle
allée plus loin ? Tant que la Justice n’aura pas répondu à tous les « pourquoi »
que posent les circonstances du départ de feu (au fait, pourquoi a-t-on refusé
la contre-expertise qu’a demandé Me BEHR à ce sujet ?), tant qu’elle
n’aura pas été y voir plus loin dans les magouilles financières de Daewoo…
toutes les suppositions sont permises !
Aujourd’hui,
le Combat continue :
Nous
n’aurons de cesse que les coupables soient démasqués !
Gérard LAGORCE
Secrétaire à la « Propa »