Fragments d’un discours libéral

 

Il y a une quinzaine de jours à la radio, Nicolas S. a présenté "sa" solution (évidemment géniale) pour le salaire des enseignants.

D'abord, il a démagogiquement précisé que "certains enseignants font preuve de trésors de bonne volonté". Juste "certains", évidemment, et juste de la bonne volonté bien sûr, genre "pauvres diables incompétents mais bons bougres dans le fond" : de quoi ne pas choquer son électorat, tout en flattant les profs juste ce qu'il faut (ils sont tellement culpabilisés depuis - et grâce à - Allègre que ça devrait suffire).

Ensuite, il explique qu'actuellement la progression des salaires des enseignants se fait uniquement à l'ancienneté et au bénéfice "de ceux qui ont pris le moins de risques". Reste à savoir ce que signifie prendre des risques dans la tête de cette chose et comment ce critère peut s'ajouter au critère (prétendu exclusif) de l'ancienneté. Peut-être a-t-il voulu dire que seuls progressent les salaires de ceux qui restent en vie (à l'ancienneté donc). On ne sait pas. Mais peu importe car ce n'était qu'un filet de bave apéritif (histoire de relancer au passage l'idée d'avancement au mérite, pourtant déjà en place avec les notations administrative et pédagogique) avant LA proposition géniale, que voici.

Selon Nicolas S., il faut profiter des départs en retraite massifs qui s'annoncent. "Pas besoin de licencier, dit-il : il suffit de ne pas remplacer tous les retraités pour faire des économies. Et si grâce à ça on économise 100, éh bien sur ces 100 on en utilise 50 pour augmenter le salaire des enseignants. Moins d'enseignants donc, mais mieux payés et mieux formés."

50 ? fichtre, ça a l'air beaucoup. 50 quoi, au fait ? OK, c'est juste un chiffre comme ça, à titre d'exemple, mais on les répartit comment, ces 50 ? et pourquoi 50 seulement et pas la totalité des 100 économisés en ne remplaçant pas les retraités ?

En tous cas, derrière cette apparente promesse d'augmentations mirifiques épate-nigauds, le message libéral est à peine voilé :

·         notre objectif est de réduire les dépenses (ah ! voilà pourquoi les 100 économisés deviennent 50 !) et certainement pas d'améliorer le système éducatif en mettant un maximum d'adultes (profs et encadrement) face aux élèves (et au moment de l'affaire du collège de Roubaix, entre bien d'autres, ton idée apparaît encore plus pertinente, Nicolas S. !)

·         sachez bien qu'avec nous, quand les salaires augmentent, le boulot aussi, afin de compenser ("annuler" serait un vilain mot) l'augmentation, voire d'en inverser les effets (comme au judo, j’utilise la force de l'adversaire pour le foutre par terre : je cède à la pression en apparence, j'accorde une augmentation, mais j'obtiens en échange un accroissement bien supérieur du travail : ça c'est du grand art, un coup de maître propre à faire jouir une âme libérale).

Dans le même registre, voici à peu près mot pour mot une pub radio pour un contrat de formation. Elle s'adresse aux chefs d'entreprise de manière originale et vivante en faisant alterner à travers des questions-réponses les voix de divers acteurs et actrices dénués de talent. Cette alternance commence juste après une métaphore à la con ("quand je plante un arbre, j'aime bien qu'il donne des fruits") :

"Alors ?

Etes-vous prêt à cultiver ... ?

- l'énergie des 20-25 ans

- l'expérience des + de 45

(cultiver l'énergie et l'expérience = métaphore classique aussi, pour dire "exploiter le désarroi de personnes qui rament pour trouver ou retrouver un boulot")

Etes-vous prêt à récolter ... ?

- les fruits de votre investissement personnel

("personnel", oui, oui, "personnel" ... et vient le coup de grâce, sublime :)

Etes-vous prêt à profiter ... ?

- des exonérations fiscales"

29/03/05

 

« Le capitalisme ne s’effondrera pas tout seul, aidons-le ! »