L’Appel d’outre-tombe
« Politique
révolutionnaire »
« C'est notre conviction fondamentale que, toutes les
libertés nationales étant solidaires, les révolutions particulières dans tous
les pays doivent l'être aussi, que désormais en Europe comme dans tout le monde
civilisé, il n'y aura plus des révolutions, mais seulement la Révolution
universelle, comme il n'y a plus qu'une seule réaction européenne et
mondiale ; que, par conséquent, tous les intérêts particuliers, toutes les
vanités, prétentions, jalousies et hostilités nationales doivent se fondre
aujourd'hui dans l'unique intérêt commun et universel de la Révolution, qui
assurera la liberté et l'indépendance de chaque nation, par la solidarité de
toutes ; que la Sainte Alliance de la [contre-] Révolution mondiale et la
conspiration des rois, du clergé, de la noblesse et de la féodalité bourgeoise,
appuyée sur d'énormes budgets, sur des armées permanentes, sur une bureaucratie
formidable, armés de tous les terribles moyens que leur donne la centralisation
moderne, avec l'habitude et pour ainsi dire avec la routine de l'action et du
droit de conspirer et de tout faire à titre légal sont un fait immense,
menaçant, écrasant, et que, pour les combattre, pour lui opposer un fait d'une
égale puissance, pour le vaincre et de détruire, il ne faut rien moins que
l'alliance et l'action révolutionnaires simultanées de tous les peuples du
monde civilisé.
Contre cette réaction mondiale, la Révolution isolée d'aucun peuple
ne saurait réussir. Elle serait une folie, par conséquent une faute pour lui-même
et une trahison, un crime, contre toutes les autres nations. Désormais, le
soulèvement de chaque peuple doit se faire non en vue de lui-même, mais en vue
de tout le monde. Mais, pour qu'une nation se soulève en vue et au nom de tout
le monde, il faut qu'elle ait le programme de tout le monde, assez large, assez
profond, assez vrai, assez humain en un mot, pour embrasser les intérêts de
tout le monde, et pour électriser les passions de toutes les masses populaires
de l'Europe, sans différence de nationalité. Le programme ne peut être que
celui que la Révolution démocratique et sociale.
L'objet de la Révolution démocratique et sociale peut être défini en
deux mots :
Politiquement : c'est l'abolition du droit historique, du droit
de conquête et du droit diplomatique. C'est l'émancipation complète des
individus et des associations du joug de l'autorité divine et humaine :
c'est la destruction absolue de toutes les unions et agglomérations forcées des
communes dans les provinces, des provinces et des pays conquis dans l'État.
Enfin, c'est la dissolution radicale de l'État centraliste, tutélaire,
autoritaire, avec toutes les institutions militaires, bureaucratiques,
gouvernementales, administratives, judiciaires et civiles. C'est en un mot la
liberté rendue à tout le monde, aux individus, comme à tous les corps
collectifs, associations, communes, provinces, régions et nations, et la
garantie mutuelle de cette liberté par la fédération.
Socialement :
c'est la confirmation de l'égalité politique par l'égalité économique. C'est,
au commencement de la carrière de chacun, l'égalité du point de départ, égalité
non naturelle mais sociale pour chacun, c'est-à-dire égalité des moyens
d'entretien, d'éducation, d'instruction pour chaque enfant, garçon ou fille,
jusqu'à l'époque de sa majorité. » Michel Bakounine,
Conclusion
du Catéchisme révolutionnaire (1865)
source : http://www.marxists.org/