Retour sur le mouvement contre la loi Pécresse
Les
étudiants ont eu raison… mais ils n’ont pas eu raison de la mal-nommée loi LRU,
« Libertés et Responsabilités des Universités ». La mobilisation de
cet automne a pourtant été massive, tout autant que celle du printemps 2006
contre la loi dite d’égalité des chances qui avait obtenu le retrait du CPE.
Mais cette fois, le mouvement n’a pas été suffisamment fort pour l’emporter.
Plusieurs
facteurs peuvent contribuer à l’expliquer. La loi en question touche avant tout
le fonctionnement des universités en dotant les présidents de pouvoirs de
« managers » pour gérer les composantes, les moyens et les
personnels. Avant même que les étudiants ne puissent en ressentir les effets en
termes d’augmentations de frais d’inscription ou de limitations dans les choix
de filières, ce qui arrivera lentement mais sûrement au fil des ans, ce sont
les personnels Biatos et enseignant-chercheurs qui sont les premiers et
immédiatement visés. Mais les premiers concernés ne se sont pas vraiment
mobilisés, et le dire est un euphémisme. Plus politiques que leurs aînés, les
étudiants qui ont consacré plusieurs semaines à la lutte, qui ont participé
massivement aux AG et aux nombreux débats sur la loi ont bien mieux saisi
l’enjeu de cette lutte : la défense d’un service public d’enseignement supérieur
adossé à la recherche et ouvert à tous les jeunes ayant un Bac, ou la marche
forcée vers une fac libéralisée, marchandisée, élitiste et « ouverte sur
le monde »… de l’entreprise.
Le
mouvement a été évidemment moins populaire que celui de 2006. Des
revendications spécifiquement liées aux universités parlent moins que le rejet
du contrat première embauche et de la précarité, que tout le monde connaît ou
côtoie, même si l’enjeu de société qui leur est lié est loin d’être anodin. Le
mouvement contre le CPE a été vécu comme une lutte légitime bien au-delà des
jeunes ce qui s’est traduit par le succès impressionnant de quelques journées
d’action et des manifestations de soutien. Contre la loi LRU, le mouvement est
finalement resté isolé après avoir cohabité un temps avec celui des cheminots
contre la casse de régimes spéciaux de retraite. Dans l’un comme dans l’autre
cas d’ailleurs le gouvernement est parvenu à isoler et à tuer la contestation à
petit feu, avec l’aide flagrante de certaines directions syndicales. Et dans le
cas du mouvement étudiant, même l’intervention éhontée des flics n’a pas
provoqué grand émoi ni de réaction de solidarité, alors que quarante ans en
arrière l’intervention des CRS à la Sorbonne avait entraîné la grève générale…
La principale difficulté à laquelle a été confronté
le mouvement étudiant est certainement le contexte général. Le gouvernement a
choisi d’attaquer sur tous les fronts et le moral n’est pas au plus haut pour
lui résister. Confortée idéologiquement par une gauche libérale qui ne trouve
absolument rien à redire sur le fond de ses réformes, assise sur un pouvoir
médiatique unilatéralement acquis à la pensée dominante, la droite UMP tape
tant qu’elle peut avec le soutien ouvert du patronat et de ses grands
représentants. En face, le mouvement social tarde d’autant plus à riposter que
les instruments traditionnels de coordination des luttes que devraient être les
centrales syndicales sont plus empêtrés dans la collaboration que dans la
préparation d’une contre-offensive d’ensemble.
On verra peut-être d’autres luttes échouer comme
celle des étudiants contre la loi LRU. Ce n’est que partie remise. Le mécontentement
s’accumule, les acteurs des mouvements ne sont pas dupes ni acquis aux
vainqueurs. Chaque nouvelle défaite est une expérience qui vient enrichir la
préparation des mobilisations suivantes. Jusqu’au jour où, tous ensemble, on
réussira à leur mettre une grande claque qu’ils n’auront pas volée.