EDITO

 

Nous sommes des millions

A force de réduire la politique à un plan média et de faire le beau devant les caméras, on dirait bien que Sarkozy a fini par se prendre les pieds dans le tapis : la réalité sociale le rattrape, et comme il aime monter en première ligne on espère bien qu’il ne va pas s’en remettre.

Jusqu’ici la stratégie du gouvernement est un peu celle du bulldozer. Sarkozy, Fillon et consorts tapent partout et sur tout le monde en même temps en espérant bien faire passer l’essentiel. Ils préviennent qu’il y aura des grèves, il y a des grèves, et ils espèrent bien que les choses vont en rester là. Il faut leur donner tort !

Les fronts ouverts sont multiples, tout le monde les connaît : retraites (fin des régimes spéciaux et 41 annuités pour tous), sans-papiers (expulsions à tours de bras pour satisfaire les quotas), franchises médicales d’un côté et cadeaux fiscaux aux hauts revenus de l’autre, démantèlement des universités et de la recherche, suppressions massives de postes dans la Fonction publique…

Tout cela ne sort cependant pas de rien. Le terrain a été préparé par les nombreuses réformes libérales des dernières décennies, conduites par les gouvernements de gauche comme de droite. Il a surtout été facilité par la confusion idéologique orchestrée par la gauche qui depuis plus de vingt ans puise dans le fonds de commerce de la droite au nom de la « modernité » : louange de l’entreprise et du profit, de la « sécurité », de la nation, de l’individualisme.

Plus encore que les transfuges socialistes récemment passés du côté du gouvernement, la proximité du PS vis-à-vis de l’UMP est révélée par le positionnement sur les attaques en cours : sauf à la marge comme sur l’ADN, le PS soutient la réforme des universités, il soutient la casse des régimes spéciaux de retraite, il refuse la régularisation de tous les sans-papiers. Mieux, sur le mini-traité européen qui revient ouvertement sur le résultat du référendum du 29 mai 2005, le PS soutient entièrement Sarkozy et annonce que cette fois-ci, ses députés feront en sorte qu’il passe. Il est vrai que sur le fond, le PS a de la continuité.

Nous sommes des millions. Des millions de salariés, de chômeurs ou de jeunes, des millions d’hommes et de femmes, de français ou d’immigrés, des millions à subir ces attaques dont l’unique fonction est d’assurer le taux de profits et le maintien d’une couche parasitaire de grands patrons et gros financiers à la tête du CAC 40.

Nous avons le nombre et les moyens de renverser l’ordre établi. Il nous reste à bâtir le projet concret d’une autre société. En partant de quelques revendications qui tombent sous le sens : 35 annuités pour tous, public comme privé ; un salaire à vie dès 14 ans, que l’on soit travailleur/se en formation, travailleur/se avec ou sans emploi, travailleur/se en retraite ; l’accès à la santé gratuite pour toutes et tous ; le droit au logement et la réquisition des logements vides pour le réaliser ; la gratuité des études et de l’accès à la culture.

Utopique ? Pas plus que d’imaginer qu’on va encore subir leur ordre pendant cinquante ans !