L’identité nationale de Le Pen à Ségolène

Pour récupérer le maximum des voix d’extrême droite Sarkozy a cherché à mettre au cœur de la campagne le thème de l’identité nationale. Une vieille ficelle pour éloigner les travailleurs de leurs préoccupations, et de leurs intérêts de classe. Derrière le phantasme d’unité, de solidarité, et de communion d’un même peuple c’est toujours le même subterfuge :  les discours enflammés présentent le patron et l’ouvrier embarqués dans le même bateau, mais le navire appartient au patron et à fond de cale, c’est l’ouvrier qui rame. Le patron lui ne se trompe jamais de gouvernail.

L’un des objectifs du nationalisme c’est aussi de porter l’attention vers un bouc émissaire. La question est d’ailleurs explicite puisque Sarkozy propose un nouveau ministère chargé de relier les questions « de l’immigration et de l’identité nationale » : l’identité française c’est d’abord se poser tous unis… contre les autres. Jeu bien dangereux : qui est l’intrus ? qui est un bon français ? qui mérite d’en être exclu ? le gréviste ? le chômeur ? Qu’est ce que c’est avoir « l’esprit français » ? On peut parier que le  « Ministère de l’identité nationale » saura en établir les critères.

Et pour l’inspiration, le régime de Vichy nous donne un bon exemple de ce que peut être un gouvernement soucieux de l’identité nationale.

Au fait, cette identité est censée porter des valeurs : mais on serait bien en peine de dire ce que sont les valeurs de la France. Celles des idéaux de la révolution française et des Lumières ? celles de la colonisation et de ses massacres ? celles de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ? celles de Vichy, celles de la laïcité, celle du christianisme, celles de l’athéisme ? celles de la Commune de Paris ?

Une identité ne porte aucune valeur à proprement parler, surtout pas quoiqu’il en dise, les valeurs de la République, la démocratie, la laïcité ou l’égalité. Car ce sont des principes. Dans son extrême confusion, Sarkozy mélange tout. L’identité est un fait, une tradition sédimentée. C’est ce qui doit être renversé pour que les choses avancent et que l’Histoire s’écrive. Heureusement, les révolutionnaires de 1789 ont contesté que la France de l’Ancien Régime ait une identité éternelle, d’essence divine, et ont aboli la royauté. Au nom de principes nouveaux et égalitaires. L’identité française a longtemps exclu du vote les femmes qui étaient privées de ce droit. Les mêmes principes égalitaires ont heureusement encore piétiné l’identité française pour l’imposer et créer de nouvelles valeurs.

L’identité c’est l’ancien, ce qui ne bouge plus, ce qui est mort. C’est aussi ce qui sépare les uns des autres. L’identité nationale c’est le nom que prennent les peurs et les vieilles idées. C’est le repli sur soi et sur ce qui a toujours été, la peur des autres et de l’avenir. C’est le début de la barbarie.

Quand Ségolène Royal s’enchaîne elle même sur ce terrain en parlant par exemple du devoir de chaque français de posséder un drapeau tricolore, elle prouve qu’il y a un continuum entre tout le personnel politique bourgeois, de l’extrême droite aux « socialistes ». Elle aura beau invoquer pour identité les idéaux des Lumières, ou l’identité d’une France ouverte et généreuse, elle  joue sur le même terrain que Sarkozy. Au drapeau tricolore et à la Marseillaise, les travailleurs ont su opposer leurs propres drapeaux et d’autres hymnes : ce ne sont pas ceux d’une identité mais d’un combat, et d’un projet social d’émancipation.