Qui profite de la ruine du service public d'éducation ?
Des effectifs de plus en plus en plus importants (celui de 35 élèves par classe devenu la règle tend même à être dépassé), disparition progressive des groupes, de l'aide personnalisée, dispositifs d'accompagnement sortis du temps scolaire, rognage progressif de la formation des enseignants, disparition des IUFM et du stage en situation, recours de plus en plus massif à des enseignants précaires, réduction des heures d'enseignement... Petit à petit, plutôt que de rendre le service public d'éducation plus efficace et plus égalitaire, les impératifs de diminution des dépenses publiques que les gouvernements successifs se fixent comme priorité tendent à inciter certaines familles à se tourner vers des prestataires de service privés pour surmonter les difficultés qu'éprouvent les élèves. Mais l'incitation est aussi financière puisque l'Etat accorde aux familles une déduction fiscale entrant dans le cadre du recours aux services à la personne.
Les grands bénéficiaires de cet effet sont les sociétés privées de soutien scolaire comme Complétude, le Cours Legendre ou encore Acadomia. Cette dernière société anonyme cotée en bourse affiche un chiffre d'affaire en constante progression (de 19 millions d'euros en 2004 elle atteint aujourd'hui 37 millions d'euros). Ces sociétés s'étaient déjà illustrées en montrant à quel point elles sont peu regardantes sur les compétences des « profs » qu'elles engagent, en réalité le plus souvent des étudiants recrutés sous statut précaire et à bas coût auxquels on demande de se faire passer pour des enseignants certifiés auprès de la clientèle. Et cette pratique risque bien d'augmenter en même temps que l'augmentation du nombre de candidats déçus aux concours de l'Éducation Nationale, une augmentation consécutive de la politique de suppression de postes.
Aujourd'hui c'est avec un nouveau coup marketing qu'Acadomia s'illustre en proposant le programme « bachelier ou remboursé ». On attend de le voir proposé en tête de gondole dans votre hypermarché favori. L'offre est alléchante mais n'en reste pas moins onéreuse puisque les familles devront débourser près de 3000€. Et Acadomia ne s'aventure pas trop à en proposer le remboursement car cette société ne risque pas de devoir rembourser grand monde. D'abord parce que son patron, Philippe Coléon, reconnaît que « les mauvais élèves ne sont pas la clientèle habituelle d'Acadomia »*. C'est pourtant en versant une larme sur ceux-ci que sa publicité lance sans scrupules : « Nous nous sommes mis à la place des 14% de bacheliers qui ont échoué et de ceux qui ont tremblé ». Ensuite parce que sur les 2940€ avancé par les familles ce ne sont que 1600 qui seront remboursés (la différence après déduction fiscale). Il y a donc fort à parier qu'Acadomia se soit débrouillé pour se dégager des 1340€ acquis un bénéfice suffisant... versé par le contribuable !
Heureusement pour nous, notre Ministre s'est ému à la découverte de cette publicité scandaleuse en s'exclamant « le bac n'est pas à vendre ! »*. Le bac peut-être pas, mais le service public d'éducation... oui ! Car ce sont bien ces parasites capitalistes qui s'engraissent quand, les uns après les autres, les ministres de l'Éducation Nationale rognent la qualité de l'enseignement, mais aussi qui attendent avec impatience que s'effondrent les derniers remparts empêchant ce secteur d'être complètement marchandisé.
* lu dans Le Monde du 23 septembre 2009.