Luttes sociales
Un front de lutte interprofessionnel, vite !
Dans le
contexte actuel d'une crise économique importante à laquelle la logique du
capitalisme ne pouvait pas manquer d'aboutir, ainsi que de contres-réformes
ayant pour objectif la remise en cause complète des acquis sociaux et des
services publics que les salariés ont réussi à obtenir et à sauvegarder au prix
de décennies de luttes sociales, la naissance d'un front commun interprofessionnel
de lutte tarde pourtant à se faire jour. Il ne semble donc pas inutile de
rappeler la situation à laquelle la population est confrontée aujourd'hui dans
tous les secteurs d'activité.
L'Education
Nationale : Dans le primaire, des déclarations méprisantes à
l'égard de la fonction qu'exercent les enseignants de maternelle, une réforme
rétrograde des programmes d'enseignement et la volonté de supprimer les réseaux
d'aide aux élèves en difficulté. Au collège, un enseignement des langues calqué
sur une grille d'évaluation européenne n'ayant pour objectif que l'insertion
professionnelle et la mobilité des salariés, les activités culturelles et de
remédiation sortis du temps scolaire. Au lycée général, une réforme sur
laquelle le gouvernement a dû reculer tant il voulait passer en force sans la
moindre consultation des acteurs de terrain. Au lycée professionnel, la
suppression des BEP et un Bac pro en une année de moins qui risque de laisser
nombre d'élèves fragiles sans qualification
ou de les reléguer vers l'apprentissage. Dans le supérieur, après
l'autonomie des universités les liant au secteur privé dans leur financement et
leur gestion, nous assistons à la disparition du statut des enseignants
chercheurs, à la remise en cause du CNRS, à la soumission de la recherche à des
intérêts marchands et à la masterisation de la formation des enseignants de
l'Education nationale qui se voient privés de l'année de stage de formation. A
tous les niveaux, plus de 10 000 suppressions de postes d'enseignants à
chaque rentrée depuis trois ans. Dans notre académie, c'est plus de 450 postes
qui seront supprimés à la rentrée prochaine sur fond d'embauche de contractuels
non formés et de multiplication des heures supplémentaires.
La santé. Le
projet de loi Bachelot discuté à l'Assemblée Nationale annonce un véritable
démantèlement de l'hôpital public. Avec la mise en place des Agences Régionales
de Santé, sur les 1035 hôpitaux publics il ne restera que 300 communautés
hospitalières. Une politique dont l'objectif n'est autre que de laisser les
cliniques privées se charger des soins rentables, l'hôpital public devant se
contenter des prises en charge coûteuses. Du point de vue des conditions de
travail, déjà à l'heure actuelle, les fonctionnaires de santé subissent le
développement de la précarité, les changements intempestifs de planning et
d’horaires, la remise en cause des RTT, la multiplication des heures
supplémentaires imposées, le non remplacement de la plupart des congés, une charge
de travail accrue, une usure professionnelle qui se généralise et qui est
aggravée par un va et vient de patients commandé par la rentabilité
(tarification à l'activité) et non par la nécessité clinique. Sur le plan
national, c'est au minimum 20 000 emplois qui devraient être supprimés
dans le secteur de la santé. Rien qu'au CHU de Nancy, c'est pas moins de 650
postes qui doivent être supprimés.
Les
transports publics. A la SNCF nous assistons à des bénéfices records
(777 millions d'euros en 2007, un résultat jamais égalé dans toute l'histoire
de l'entreprise publique) résultat d'une politique dont l'unique objectif est
la perspective d'une ouverture à la concurrence. Un résultat qui provient uniquement
des gains de productivité mais dont aucun bénéfice n'est tiré par les salariés
qui voient leur pouvoir d'achat toujours diminué, ni par les usagers dont le
tarif des billets est en constante augmentation. Dans le fret, l'ouverture à la
concurrence est déjà une réalité, mais pour quel résultat ? Une logique de
rentabilité qui bénéficie aux multinationales comme Veolia, mais aucune
amélioration du service (fermetures de gares de fret et de triage en pagaille
ayant pour résultat des centaines de milliers de camions supplémentaires sur
les routes à l'heure où l'on parle de défis écologiques) et une pression à la
baisse des salaires et conditions de travail pour les salariés.
Après France
Télécom, EDF et GDF, c'est La Poste qui doit devenir une société
anonyme, même si, pour l'instant, l'Etat dit vouloir rester majoritaire. Ce
changement de statut qui accompagne ici aussi l'ouverture à la concurrence
introduit dans ces entreprises la logique du marché au détriment des missions
de service public qui leur était confiées : introduction de techniques de
management agressives, précarisation du personnel, dégradation du service et
fermeture des bureaux, diversification dans des activités concurrentielles,
rétablissement de la profitabilité pour les (futurs) actionnaires... Et pour
les usagers (des clients à présent), des tarifs illisibles et incomparables
avec la concurrence, une logique marchande et consumériste, et au final un
service aux particuliers de moins bonne qualité.
Le
secteur privé. Alors qu’il n’y avait pas d’argent pour nos salaires,
pour les services publics, pour la sécu, pour nos retraites, ... alors qu’il
fallait réduire la dette et le déficit public, des milliards sont mis à
disposition des banquiers, patrons et actionnaires... et brusquement le déficit
public n'est plus un problème pour le gouvernement et le patronat ! Dans
la logique libérale qui nous est imposée depuis des années, nous voyons que la
privatisation des profits et la socialisation des pertes reste le principe de
base du système économique capitaliste. Un exemple dans l'industrie automobile :
Après un plan d'aide de 6 milliards d'euros, le groupe PSA n'a pourtant pas
tardé à annoncer un plan social de 11 000 suppressions d'emploi en Europe
en 2009 dont pas moins de 7000 en France. C'est dans ce contexte que nous
assistons chaque jour à l'augmentation effrayante du taux de chômage dans tous
les pays d'Europe. Si nous sommes tous d'accord pour dire que c'est le patronat
et les dirigeants politiques qui ont créé cette crise, pas question que ce
soient les salariés qui la payent, surtout après que les plus riches aient vu
leur imposition plafonnée, que nombre de grandes entreprises soient encore
exonérées de charges sociales et que nous assistons impuissants à la
publication de bénéfices vertigineux (tel le record historique de 14 milliards
d'euros publié par Total) dont seuls les actionnaires tireront profit.
A
présent, il est temps de mettre un coup d'arrêt à cette logique injuste et
insupportable. Le 29 janvier nous étions des millions dans la rue pour exprimer
notre colère. Le 19 mars, nous étions encore plus nombeux. Ces journées de
mobilisation sont nécessaires mais insuffisante si les salariés se contentent
des quelques journées d'action auxquelles les grandes organisations syndicales
veulent bien timidement appeler. Il est indispensable que des assemblées
générales et des actions de lutte locales se multiplient à l'échelle des
salariés, dans tous les secteurs d'activité, que les bases syndicales reprennent
en main l'orientation de leurs organisations dans le sens de leurs intérêts.
Car aujourd'hui la situation nous montre que nous n'avons rien à attendre d'un
soit-disant dialogue social dans les salons du pouvoir si ce n'est que
d'éponger grossièrement les dégâts de leur crise économique au prix d'une vie
rendue de plus en plus difficile pour les familles de milliers de travailleurs.
Si la raison de cette situation est le système économique capitaliste que l'on
nous a imposé, c'est la véritable transformation sociale que nous devons
aujourd'hui nous fixer comme objectif, une transformation sociale
malheureusement oubliée de longue date par ceux qui hier prétendaient défendre
l'intérêt des travailleurs. Aujourd'hui c'est un front interprofessionnel
unitaire et ambitieux que nous devons construire par le bas et dont le 29
janvier et le 19 mars n’auront constitué que l'introduction.