Liberté
sans condition pour Jean-Marc Rouillan !
En
octobre 2008, J.-M. Rouillan, ancien d’Action Directe, a été privé de la
liberté conditionnelle dont il bénéficiait depuis dix mois. Emprisonné depuis
1987, condamné à la prison à perpétuité pour l’assassinat de Georges Besse, PDG
de Renault, en novembre 1986, J.-M. Rouillan retourne derrière les
barreaux au motif qu’il n’aurait pas respecté l’interdiction d’évoquer
publiquement les faits pour lesquels il a été condamnés. Dans une interview
publiée par L’Express du 1er octobre, interrogé au sujet de
ce passé, Rouillan a alors répondu : « Je n’ai
pas le droit de m’exprimer là-dessus. Mais le fait que je ne m’exprime pas est
une réponse. Car il est évident que si je crachais sur tout ce qu’on avait
fait, je pourrais m’exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche
aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique. »
Voilà
donc d’où vient le « scandale ». Rouillan dit qu’il refuse de cracher
sur tout son passé, sans préciser d’ailleurs s’il considère ou non avoir eu
tort de participer à l’assassinat du PDG de Renault, mais c’est déjà
trop ! Car au fond, comme il le dit, on attend de lui qu’il fasse son mea
culpa et abdique de ses combats passés. Il y avait une sacrée hypocrisie à
demander à Rouillan qu’il ne s’exprime pas. Les mêmes qui s’offusquent de ces
trois lignes d'interview auraient accueilli avec bonheur ses paroles s’il avait
craché sur son passé, sur son engagement. S’il avait fait amende honorable. Ce
que l’on veut c'est de la repentance : la bourgeoisie rassurée lui aurait
ouvert les colonnes de sa presse. Mais Rouillan a la dignité d’assumer sa vie.
Rouillan
se revendique du communisme et, en accord avec la tradition communiste, il est
partisan de la lutte armée. Dans le contexte international des années qui ont
suivi 1968, avec la guerre civile larvée en Italie et la lutte des guérillas
qui se prolonge depuis le début des années 1960 en Amérique latine, quelques
militants d’extrême gauche en sont venus à considérer que la bourgeoisie était
aux abois et que le moment était venu de passer à la lutte armée. C’était aller
un peu vite en besogne, si l’on ose dire, et prendre le risque de vouloir faire
le bonheur des travailleurs à leur place. Même si d’autres éléments sont
intervenus dans ce choix, comme la continuation d’un combat antifasciste
radical et sans concessions, la stratégie de la lutte armée d’Action Directe en
France, d’autres groupes en Italie ou en Allemagne, est on ne peut plus
éloignée de l’idée que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des
travailleurs eux-mêmes.
Rouillan
a payé, lourdement, pour l’assassinat de Georges Besse. Il ne préconise pas la
lutte armée ici et maintenant. Pourquoi un tel acharnement judiciaire contre
lui ? Pourquoi les leaders socialistes, Royal et Hollande en tête, se
sont-ils précipités pour hurler avec les loups et demander sa réincarcération ?
Le fait
que Rouillan n’ait pas renoncé à faire de la politique à l’extrême gauche, en
rejoignant le NPA à Marseille, y est certainement pour quelque chose. Mais il y
a plus. Quoi que l’on pense de la stratégie d’Action Directe, Rouillan incarne
un type de rupture totale avec le capitalisme et ses valeurs. Ceux de Tarnac,
d’une tout autre manière, incarnent également cette rupture. Cette rupture
radicale et sans concession, le système et ses chiens de garde peuvent d’autant
moins le tolérer que leur monde est en crise. Laisser entendre que la violence
politique est une voie possible d’action, ou vivre à l’écart du système
marchand tout en participant à la lutte contre ses méfaits, c’est évidemment
beaucoup trop pour les représentants de la classe dirigeante.
Le
système enferme ceux qu’il ne saurait voir pour que personne ne les entende.
Gageons que cela n’empêchera pas les projets d’alternative radicale et
d’auto-émancipation des travailleurs de se développer, et que l’idée d’un
renversement radical de l’ordre établi finira par l’emporter.
Norman
L.