Punk & politique

Chap.1. Origine du punk et scissions au sein de l'histoire du rock


Le mouvement punk est né d'une dérivation du rock “garage” de la fin des années soixante et doit beaucoup aux Stooges et leur fameux album “fun house” autour de la figure bientôt mythique de l'iguane Iggy Pop. Laissons de côté l'histoire plus ou moins bien connue de la fondation du punk en Grande-Bretagne en ayant en tête deux faits : le premier groupe historiquement punk fut les Sex Pistols et le manager des Pistols était un féru de situationnisme.

La conception “punk” du monde suppose :

A) une incertitude complète en l'avenir du monde doublée d'une désillusion sur la société ;

B) la réorganisation fusse-t-elle marginale d'un groupe humain autour d'un certain aspect libertaire anti-fasciste ou plus globalement anti-autoritaire ;

C) l'autonomie complète (politique du DIY Do It Yourself) par rapport à la société spectaculaire marchande (création de fanzines, de labels autonomes, de moyens de diffusion tiers...)

Dès le début de son histoire, le punk se démarque nettement de l'histoire du rock et notamment de son avenir qui semble tout tracé au sein du heavy metal. Seuls les Rolling Stones poursuivront sur leur trajectoire d'une ligne rock “classique” avec le succès que l'on sait.

Pour comprendre le punk intéressons nous un temps à l'autre grande “branche” de l'évolution musicale du rock. Le heavy metal, dernier genre musical à la mode dans les années soixante-dix (le glam rock ne fit qu'une ou deux saisons derrière un Bowie plus que jamais shooté), se divisera encore en hard (AC/DC, Skidrow, Sylverchair, Motörhead...), death (Cannibal Corpse), black, thrash (Megadeth, Anthrax, Slayer, Sepultura et une évolution de Metallica), grind (Blood Duster et les français Gronibard ou Ultra-Vomit).

Le heavy metal se distingue en général soit par sa volonté de ne pas entrer dans la sphère politique, quoique critiquant globalement la société, soit en choquant le bourgeois (pornogrind comme le groupe Gronibard), soit en s'opposant à l'autorité religieuse (satanisme dans le black metal, tradition antichrétienne comme dans le choix du nom du groupe Judas Priest...). Le “métalleux”, s'il reste en soi l'image du rebelle avec ses t-shirts provocants (Cradle Of Filth...), ses cheveux longs (signe distinctif dans la plupart des groupes), parfois son maquillage (Kiss, Dimmu Borgir...), rejette la société sans volonté de conscience politique et préfère généralement les images satanistes faciles, au profit d'un nouveau spiritualisme (voir l'évolution du black metal après 1982 et dans les années quatre-vingt avec Emperor, Dimmu Borgir, Mayhem...) et par là même la recherche d'un certain paganisme.

Quelques exceptions à souligner néanmoins comme le groupe français Lofofora apparu en 1994 et qui porte un répertoire issu de la lutte sociale et de l'antiracisme. Ce groupe se trouve pourtant nettement dans la mouvance metal avec des tendance jazzy (fusion). On écoutera avec intérêt des titres comme “l'œuf”, “no facho”, la reprise de “vive le feu”, “weedoo”... Certains titres du groupe metal britannique Motörhead (parfois proche du punk) sont aussi engagés politiquement, mais il s'agit toujours de l'exception. Bien entendu Sepultura est également une exception complète en ce domaine (voir notamment l'album “Roots”, défense du groupe amérindien dont sont issus les leaders du groupe et l'un des meilleurs si ce n'est le meilleur disque de l'histoire du thrash metal).

Récemment la scène black metal a connu néanmoins une poussée de conscience politique. Hélas les thèmes courants du black (détresse, individualisme, légendes scandinaves, naturalisme, satanisme) les ont poussés vers l'idéologie nazie avec la fondation du triste National-Socialist Black Metal, mais avant cela déjà des dérives furent connues (Varg Vikernes un temps au sein du groupe Mayhem assassina un autre black métalleux l'accusant d'avoir été homosexuel et communiste !).

Revenons au punk et notamment à sa scène française. Dès 1976 une bande de lycéens se réunit et formera ce qu'il convient de situer comme le premier groupe punk français, Metal Urbain. Existence brève (deux ans), un album (“Paris Anarchie”) et les troublions quittent la scène (ils reviendront en 2006 – sans le chanteur historique qui a jeté l'éponge – avec l'album “J'irais chier dans ton vomi”). Metal Urbain est un punk brut aux distorsions harmoniques teintées parfois de recherche de musique concrète qui n'est pas sans rappeler les compositions de Pierre Henry. Les titres critiquent tout en bloc : le système politique (“panik”), la propagande publicitaire (“lady coca-cola”), la désillusion de la jeunesse face à la société (“ultra-violence”), la peur de l'avenir (“Futurama”), la volonté de détruire (“colt 45”). Parfois le groupe se laisse aller à un curieux sexisme assez violent (“crève salope !”). L'histoire prend fin en 1978.

Des groupes émergent comme les Starshooters du futur chanteur Kent ou encore la fameuse La Souris Deglinguée (connue sous l'abréviation LSD), toujours présente sur la scène aujourd'hui. Parfois aussi certains “rockers” à la ramasse après avoir fait les chaudes heures du yéyé dans “salut les copains” tentent l'aventure punk (Gazoline).

Les années 80 voient l'émergence du punk polymorphe que l'on qualifiera à la fin de la décennie le keupon... verlan de punk.

Léo Levallois