La Butte Rouge
(Montéhus, Georges Krier)
Sur cett’ butt’là y’avait pas d’gigolettes
Pas de marlous ni de beaux muscadins.
Ah ! c’était loin du Moulin d’la Galette,
Et de Panam’ qu’est le roi des pat’lins.
C’qu’elle en a bu du beau sang cette terre,
Sang d’ouvriers et sang de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
N’en meurent jamais, on n’tue qu’les innocents !
La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Qui boira ce vin là, boira l’sang des copains.
Sur cett’ butt’là on n’y f’sait pas la noce
Comme à Montmartr’ où l’champagne coul’ à flots;
Mais les pauvr’s gars qu’y avaient laissé des gosses
Y f’saient entendre de terribles sanglots !
C’qu’elle en a bu des larmes cette terre,
Larm’s d’ouvriers, larmes de paysans,
Mais les bandits qui sont cause des guerres
Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans !
La Butt’
Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Qui boit de ce
vin-là, boit les larmes des copains
Sur cett’ butt’là, on y r’fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons ;
Filles et gars doucement y échangent
Des mots d’amour qui donnent le frisson.
Peuvent-ils songer, dans leurs folles étreintes,
Qu’à cet endroit où s’échangent leurs baisers,
J’ai entendu la nuit monter des plaintes
Et j’y ai vu des gars au crâne brisé !
La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Mais moi j’y vois des croix portant l’nom des copains !